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« Non, Madame Fiala, je ne veux pas de votre monde »

Depuis de nombreuses semaines, je ne suis pas souvent à la maison, campagne oblige. Comme je l’explique à ma fille et à mon fils de 6 et 4 ans, mes absences sont dues à mon travail et à mon engagement politique : des séances à Berne, au Château ou un tour du Canton durant chaque week-end afin de rencontrer la population neuchâteloise. Comme je leur explique aussi, j’aime ce travail : il me donne le sourire et confère du sens à mon action politique. Mon engagement, je le prends aussi pour eux, pour leur proposer un autre monde que celui qui est décrit dans l’article que j’ai pu lire dans le dernier Matin dimanche. Un monde qui est encore à créer, manifestement, alors que ma génération, avait naïvement cru qu’il existait déjà... Un monde d’équité et d’égalité. C’est cette perspective de changement qui m’a incitée et qui m’incite toujours à m’engager en politique. Pour que, quand mes enfants auront l’âge de s’engager – si c’est leur souhait – ils ne doivent pas encore entendre que seules les « super power women » ont une chance de réussir à mener une vie active, engagée et familiale.


Dimanche dernier, alors que je profitais enfin tranquillement d’un moment en famille, je lisais le journal dominical. Tranquillement... jusqu’à ce que je sois estomaquée par les mots de la présidente des femmes PLR, Doris Fiala, estimant impossible, pour les femmes bien sûr, de concilier vie familiale, carrière professionnelle et engagement politique. Comment peut-elle tenir un tel discours à l’heure où le Conseil des États, à majorité bourgeoise, risque de se masculiniser encore plus lors des prochaines élections ? Alors que la Chambre Haute n’a jamais montré le moindre signe de soutien à une réelle politique d’égalité salariale à ce jour ? Alors que, aujourd’hui encore, un congé parental digne de ce nom n’a toujours pas été voté ? Des hommes de +60 ans au pouvoir, qui décident de l’avenir des femmes de ce pays, est-ce vraiment ce qu‘a de mieux à offrir la présidente des femmes PLR ?


Une chose est sûre, Mme Fiala ne vit pas dans mon monde. Elle ne vit pas dans le monde que je construis, que nous construisons, avec mon mari. J’ai une activité professionnelle, tout comme lui. Des activités que nous pouvons mener en parallèle car nous avons pu faire, tous les deux, le choix du temps partiel. Alors oui, nos semaines relèvent parfois d’un grand numéro d’équilibriste, mais nous sommes fiers de proposer ainsi un modèle parental moderne à nos enfants, qui pourront y puiser l’inspiration pour mener leurs vies librement et participer à inventer la société de demain. Oui, les parents d’aujourd’hui doivent pouvoir « faire équipe » : c’est pourquoi il est si important de leur en donner les moyens.


Oui, Mme Fiala ! Je veux vivre dans un monde où les enfants ne seront plus uniquement une question féminine. Dans un monde où, logiquement, femmes ET hommes contribueront au bien-être de leur progéniture. Loin des discours essentialisant qui limitent les femmes et avilissent les hommes.


Je dois vous remercier, pourtant, Mme Fiala. Vos mots, vos propos d’un autre temps ne font que me motiver à poursuivre mon engagement. Celui que j’ai pris auprès des Femmes socialistes, de mon parti, celui que je veux assumer en tant que Sénatrice. Et celui de mes collègues, à Berne et dans mon canton, qui luttent chaque jour pour une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, que ça soit en se battant pour des places en crèche pour chaque enfant, pour un congé parental digne de ce nom, pour la possibilité de réduire son temps de travail à l’arrivée d’un enfant. Des mesures du XXIe siècle, des mesures concrètes afin que les femmes ne soient pas celles qui risquent le plus de tomber dans la précarité au passage à la retraite. Des engagements, qui font que je suis là, debout, que ma vie est faite de séances, de rencontres, de débats, de combats et de victoires parce que je veux soutenir les parents qui sont comme moi, comme nous, et qui se débattent dans ce pays, notamment par la faute de discours passéistes à l’image de celui de Mme Fiala, qui continuent de ne proposer aucune mesure concrète ou à la petite semaine.

Je veux que ce genre de discours arriérés soit très vite relégué dans le poussiéreux musée du « Kinder, Kirche, Küche » d’un tout autre âge.


Il en va de notre avenir à toutes et tous, comme de l’avenir de nos enfants et de la société dont ils hériteront. Une société qui n’aura pas besoin de « Super Power Women » car le partage des tâches éducatives et ménagères ira de soi, tout comme la conciliation d’une carrière professionnelle, d’un engagement politique ou associatif, avec la vie privée.

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