Il y a un peu moins de deux ans, j’entrais dans un restaurant de Berne pour le début d’une aventure dont j’ignorais encore l’intensité et la diversité. Durant ce jour d’été, j’allais faire la connaissance de Natascha Wey. Pour les Romands qui ne la connaissent pas, Natascha est la co-présidente des Femmes* socialistes suisses (F*SS), et partageait ce poste depuis 2016 avec Cesla Amarelle. Des Femmes* socialistes avec un astérisque, pour montrer qu’elles s’ouvrent à toutes les personnes se reconnaissant en tant que femme . Si je la rencontre, c’est que Natascha a une idée derrière la tête : savoir si le poste de Cesla Amarelle fraîchement élue au Conseil d’Etat vaudois pourrait me séduire. Serais-je intéressée à reprendre un tel poste ?
Dès les premières minutes, le courant passe. Ça fait du bien d’échanger avec une femme de mon âge sur la politique de l’égalité. En effet, à Neuchâtel, je suis une des rares, pour ne pas dire la seule, députée socialiste trentenaire à ce moment-là. C’est déjà à ce moment que commence notre dialogue, semi-allemand, semi-français. Déjà, on s’invente notre propre langage et on en rigole. L’important, c’est qu’on se comprenne. Cet été-là aura lieu la campagne de Prévoyance 2020. Une campagne pour laquelle les femmes du parti ne sont pas toutes en accord, mais pour nous deux, pas de dissensions : nous savons que nous devons agir pour que les femmes ne soient pas prétéritées en arrivant à la retraite. Les réflexions se font déjà. Notre objectif commun : lutter contre la précarité chez les femmes.
A la suite de cette rencontre, je décide de me porter candidate pour remplacer Cesla. L’idée de remplacer une telle politicienne m’intimide fortement, mais l’importance et l’envie d’un nouveau défi me motivent, moi qui viens de quitter la présidence du groupe socialiste au Grand Conseil neuchâtelois... poste occupé avec grand plaisir durant plus de quatre ans.
Ca marchera : le 2 septembre 2017, je suis élue à la co-présidence des F*SS. Très nerveuse, je ne peux que me réjouir du déplacement de nombreuses camarades neuchâteloises qui m’ont accompagnées lors de cette aventure. C’est aussi ce jour-là qu’est discuté le manifeste des F*SS : dans ce texte, nous dressons un état des lieux de la situation des femmes dans notre pays avec toute une série de revendications. Une façon de marquer le coup en cette année les 100 ans que les femmes socialistes se sont constituées en un groupe bien à elles.
Bien sûr, pour certain-e-s, ce manifeste va trop loin et pour d’autres, il mériterait des améliorations. Il est surtout le fruit d’un énorme travail du comité directeur des F*SS. Un travail réalisé par des femmes passionnées qui ont juste envie de changer les choses. Qui veulent simplement plus d’égalité. Ca me touche et ça m’épate : je me sens tout à fait en phase avec cette lutte, bien évidemment.
En devenant co-présidente, je dois m’approprier chacune des phrases du manifeste : je deviens ainsi l’une des porte-parole de ce travail. Ceci alors que l’affaire Weinstein éclate début octobre. Le mouvement #metoo est lancé. L’objectif des F*SS est que notre manifeste soit accepté lors de l’assemblée des délégué-e-s du Parti socialiste : nous y arriverons haut la main. Ainsi, nous ancrons toute une série de revendications pour la politique suisse – un renforcement des droits et de la place des femmes dans la vie économique, une réelle lutte contre les violences et une représentation des femmes en politique notamment - mais aussi pour la conduite du parti en son sein. Nous le savons et l’assumons: pour être crédibles à l’extérieur, il est primordial d’être irréprochables à l’intérieur !
Peu de temps après, se déroule la fête du jubilé. Encore une soirée durant laquelle mes nerfs et mon reste de timidité seront mis à rude épreuve : il n’est pas courant de fêter les 100 ans d’une entité comme les F*SS en présence de Simonetta Sommaruga et de Ruth Dreifuss. Nous faisons connaissance et partageons une table ronde, en toute évidence. Un moment qui me marquera sans doute longtemps. « Madame la conseillère Fédérale Simonetta Sommaruga » devient, pour moi, simplement « Simonetta ». Je découvre une grande dame et solidarité sera le mot à retenir de cette soirée.
Solidarité. Le terme reviendra au meeting du PES (Party of European Socialists). C’est l’occasion de rencontrer mes homologues européennes et d’échanger à propos des thématiques féministes. Les contextes sont peut-être différents, mais les constats sont les mêmes. L’égalité n’est atteinte nulle part dans les faits. C’est aussi à ce moment-là, dans le microcosme politique suisse, que sort l’affaire Buttet. Une preuve du sexisme, bien présent en politique comme dans toute sphère de pouvoir. Je le vis, nous le vivons, quasiment quotidiennement.
Quelques semaines plus tard, débute l’année 2018. Année durant laquelle nous, Femmes* socialistes suisses, créons plusieurs groupes de travail. Egalité salariale, représentation des femmes en politique et violences faites aux femmes. Et, pour le 8 mars, nous déposons une interpellation sur l’égalité salariale, déposée dans plusieurs parlements cantonaux. Pour nous, les collectivités publiques doivent aussi prendre leurs responsabilités.
Fin février 2018, le Conseil des États décide de renvoyer le projet de Simonetta Sommaruga sur la transparence des salaires en commission. Traduction : l’économie ne veut pas d’une surveillance étatique sur ses grilles de salaires et les Sénateurs mettent une belle gifle à toutes les femmes de Suisse peu de temps avant le 8 mars, alors que l’objectif de l’égalité salariale stagne en Suisse.
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