Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Doit-on encore rappeler l’attachement du groupe socialiste à la culture ?
A plusieurs reprises durant cette législature, comme lors des précédentes, nous sommes intervenus à ce sujet. Interpellations, questions, motions qui allaient toujours dans le même sens : le Conseil d’État doit revoir la politique culturelle de notre canton : une culture qui par ses différents actrices et acteurs est riche, variée, innovante, accessible ou pointue, interpelle et questionne. Une culture qui améliore la cohésion sociale.
Grâce à une motion, le Conseil d’État a dû se mettre au travail afin de proposer au Grand Conseil une révision de la loi sur les encouragements à la culture. C’était en 2016. Printemps 2016.
Alors que le groupe socialiste était convaincu que les réflexions quant à cette révision étaient en cours, voilà que fin 2017, le Conseil d’État nous annonce son plan de législature, accompagné d’un plan financier dont l’une des mesures d’économie est la fermeture de la HEM. Une école qui a été créé pour maintenir la formation professionnelle musicale dans notre canton. Une Ecole qui fut créée par le Conseil d’État de l’époque.
En annonçant la fermeture de la haute école de musique de cette façon, nous avons clairement pu observer que cette décision ne s’inscrivait dans aucune réflexion large sur la culture ou sur quelle formation professionnelle musicale nous voulions offrir dans notre canton !
La mesure du Conseil d’État était tout simplement financière, une mesure d’économie annoncée d’un montant de 2,2 millions de francs. De plus, le Conseil d’État ne s’est pas gêné de stigmatiser cette mesure en la faisant porter sur le dos de deux étudiants neuchâtelois. Donnant ainsi l’illusion que ces 2,2 millions de francs sont les frais nécessaires pour la formation de ces deux étudiants. Mais quoi penser des plus de nonante étudiants restants, dont une bonne part de Confédérés ? Ne comptent-ils pas aux yeux du gouvernement ?
La majorité du groupe socialiste s’est rapidement attelée à démontrer que la fermeture d’une telle école ne pouvait pas être abordée seulement comme une économie, mais qu’il fallait mener une réflexion globale, tenir compte de tous les paramètres, dont l’impact sur la vie musicale de notre canton ou son offre de formation.
Une proposition à laquelle le Conseil d’État s’est opposé en demandant le refus du postulat 17.146. Un postulat qui finalement été refusé par une majorité du Grand Conseil, faisant ainsi confiance aux chiffres avancés et réponses apportées par le Conseil d’État.
En parallèle à ce processus parlementaire, un comité a pris la décision de lancer une initiative législative afin de s’opposer à la fermeture de la HEM. En quelques mois, les initiant récoltèrent les signatures nécessaires et ont déposé l’initiative durant l’automne 2018. Suite à ce dépôt, une majorité du Grand Conseil accepta un moratoire pour suspendre la fermeture. Le dépôt de l’initiative initia ainsi enfin un réel débat.
Le Conseil d'État a fait le choix de soumettre un contre-projet à l’initiative. Un contre-projet qui ne traite pas de la formation professionnelle. C'est son choix. Or, pour notre groupe, il répond à côté de la demande de l’initiative. L’avis de droit du Pr Grisel le dit d’ailleurs: les deux objets ne concernent pas le même domaine. De plus, à quoi bon opposer deux domaines de la formation musicale alors qu’ils sont complémentaires ?
Toutefois, au travers de l’examen de ce contre-projet en commission, plusieurs éléments en lien avec la fermeture ont pu être clarifiés. Des clarifications nécessaires.
Premièrement, nous avons pu nous rendre compte que les économies avancées n’étaient que des estimations. Qu’aucune réelle analyse sérieuse n’a été menée. Qu’il n’y a aucune garantie que les locaux pourront être reloués, et resteraient donc à la charge de l’État. L’économie de 2,2 millions s’effrite déjà.
Deuxièmement, le Conseil d'État ne considère pas le manque à gagner en se privant, par la fermeture, de subventions fédérales et d'aides financières inter-cantonales. Tout comme les recettes fiscales qui pourraient diminuer en raison du départ de certains professeurs. Aucune réflexion, aucune estimation n’a été menée. L’économie promise s’altère encore. Au mieux, selon les travaux de la commission, l’économie possible est d’un million de moins que ce qu’avance le gouvernement.
A quoi il faut rappeler que cette fermeture aura un coût net pour le canton: la bagatelle de 5 millions de francs. Alors qu’on nous parle d’économies, voilà qu’on serait prêts à dépenser 5 millions pour fermer une école !
Troisièmement, aucune réelle réflexion n’a eu lieu sur l’offre de formation et son impact sur la vie culturelle. Nous sommes convaincus que ces aspects sont importants, également pour l’attractivité du canton en termes de domiciliation. Dans ce domaine, le Conseil d’État semble préférer mettre l’accent sur la fiscalité. Nous ne pouvons que le regretter.
Sur la base de ces constats, la grande majorité du groupe socialiste acceptera le décret amendé. Il ne veut pas être responsable d’une fermeture qui s’opérerait sans réelle réflexion, sans mesurer pleinement ses conséquences.
Et quant au vote populaire, évoqué subitement par les groupes de droite, il est important de rappeler que la Constitution et la loi sont claires: si une initiative législative est acceptée par le Grand Conseil, elle ne passe pas devant le peuple. Cela parce qu’il s’agit d’une loi et non d’une modification de la Constitution et que le Grand Conseil est la représentation du peuple. A moins de considérer notre parlement comme illégitime, on ne peut prétendre que son vote ne serait pas démocratique.
D’ailleurs ni le Conseil d’État, ni le groupe PLR ne proposent de modifier cette disposition légale.
Peut-être qu'il est bon de rappeler aussi le but d'une initiative. En signant l'initiative, les électrices et électeurs ont montré leur soutien au maintien de la Haute école. C’est ce que demande le texte de l’initiative et, contrairement au référendum, une initiative ne demande pas forcément un vote populaire, elle demande qu’on applique son projet.
Nous devons ainsi noter que sans la mobilisation du comité d’initiative, la HEM aurait été fermée il y a deux ans, sans que le Conseil d’État ne consulte qui que ce soit, et sans que ça dérange le PLR. D’ailleurs, quand il s’est agit de voter sur le moratoire obligeant le Conseil d’État à attendre le sort de l’initiative avant de poursuivre sur la voie de la fermeture de l’école, le gouvernement comme le PLR s’y sont opposés.
C’est pourquoi cet argument du vote populaire nous semble être sorti de la manche par ceux qui craignent de perdre la partie aujourd’hui. Et c’est pourquoi il ne saurait nous faire douter de notre position.
Ca sera donc un oui majoritaire pour le groupe socialiste : nous ne voulons pas être les fossoyeurs de la culture et de la formation musicale dans notre canton.
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